Better Place a récemment levée 350 millions de dollars (242M€), auprès de plusieurs établissements financiers réputés (dont HSBC pour 125 millions de dollars. Cette liquidité est la bienvenue avant le lancement du projet israélien. Car, même si le projet est plein d’espoir, il manque ce petit quelque chose qui fera la différence. A la différence d’un Tesla ou d’un Fisker par exemple qui suscite l’intérêt et l’espoir d’une nouvelle ère automobile, Better Place n’a pas encore convaincu. Pourtant, son salut passera là, si la société souhaite être un partenaire technique crédible.
Pour le moment, hormis ses investissements, le soutien des pays accueillant le concept et Renault-Nissan, la start-up est isolée. Renault s’est engagé à produire un seul modèle de véhicule électrique à batteries remplaçables sur ce type de concept. Tous les autres constructeurs ont décrit l’idée comme irréalisable. Chacun voulant développer sa propre technologie. Et même avec Renault, les relations sont loin d’être au beau fixe. Il suffit de lire la première phrase du communiqué de Better Place pour s’en rendre compte: « Deux ans presque jour pour jour après l’annonce de son premier partenariat avec un constructeur automobile… ». Un constructeur automobile…. pas de mention explicité du groupe Renault-Nissan. Un signe qui ne trompe pas. Les raisons ? Simplement que le groupe franco-japonais ne souhaite pas prendre en charge le principe des stations du programme Better Place. Trop couteux pour elle. D’ailleurs, l’accord entre les deux partenaires se contente d’une simple entente technologique. Renault souhaitant diversifier les projets dans le monde électrique, investissant 4 milliards d’euros, Better Place n’est qu’un faible maillon d’une chaine destinée à sauver la marque, au prise avec les délocalisations.
D’après plusieurs experts automobiles et les ingénieurs, il semble peu probable qu’un autre constructeur soit intéressé par les services de la start-up. Interrogeant quelques amis travaillant dans les bureaux d’études indépendants, la réponse est claire : La solution Better Place est intéressante, mais de nombreux problèmes sont encore à résoudre. Bref personne n’y croit vraiment, estimant que seul le développement interne permettra de devenir un acteur. Certains voient cette solution comme une alternative intéressante, mais pour des acteurs secondaires, ou pour des marques d’Etat dans un pays à faible capacité démographique.
Enfin, Better Place, parti le premier dans les stations d’échange, dispose-t-il vraiment d’un avantage compétitif par rapport à ses futurs concurrents ? Pas sûr du tout. Dans les mois à venir, l’israélien devra préciser son modèle économique. Pour Shai Agassi, les 350 millions de dollars levés constituent une excellente nouvelle. Mais le projet Better Place dispose de trop de difficultés et d’inconnu pour réellement y croire aujourd’hui.
Je voudrais apporter quelques précisions complémentaires ou correctrices par rapport à l’article.
1. ce n’est pas un mais deux véhicules à batterie interchangeable que Renault annonce ; la Fluence ZE et la Zoe ZE.
2.Le modèle Better Place est critiqué depuis son lancement mais à chaque fois l’entreprise a démontré que les critiques n’étaient pas fondées : il a été démontré que les stations d’échange fonctionnent (bien sûr c’est monnaie courante sur les transporteurs en usine ou en entrepôt mais de nombreuses voix s’élevaient pour dénoncer l’impraticabilité du projet), il a été dit que le contrat avec Israël serait le seul. Le Danemark, l’Australie, Hawaiï, la région de San Fransisco, le Portugual, etc. ont noué des accords (voir http://www.betterplace.com/global-progress/)
3. La Chine se lance dans un modèle similaire (OK sans Betterplace mais c’est un signe que l’entreprise voit un concurrent de taille potentiel se lancer dans l’aventure) (Voir . http://www.marketwire.com/press-release/Kandi-Technologies-Corp-Forges-Strategic-Alliance-With-Major-Energy-IT-Battery-Companies-NASDAQ-KNDI-1096792.htm)
4. Ce n’est pas parce qu’il reste de nombreux problèmes à résoudre qu’il ne faut pas entreprendre (« il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre ») et je terminerai par le texte de José Luis ZApatero devant le Parlement Européen, ce 20 janvier 2010, qui présentait les priorités de la présidence de l’UE pour ce premier semestre : »Je ne vous citerai qu’un seul exemple qui nous semble prioritaire de développer dans le contexte de lutte contre le changement climatique : nous voulons mettre en œuvre, aidé de la Commission, un plan de développement du véhicule électrique. L’industrie de l’automobile va subir une grande transformation, qu’elle a déjà en partie commencée.
Dans ce domaine industriel, si nous misons de manière intégrée, en tant qu’européens, sur une vision conjointe, partagée et sur une stratégie commune de la voiture électrique, nous concourrons à réduire notre dépendance énergétique, nous contribuerons à la lutte contre le changement climatique ainsi qu’à l’innovation technologique qui sera apportée, sans nul doute, par le véhicule électrique et qui, en outre, sera directement liée à l’industrie des technologies de l’information et de la communication. »
Source : P.7 in « DISCOURS DU PRÉSIDENT DU GOUVERNEMENT, M. JOSÉ LUIS RODRIGUEZ ZAPATERO, LORS DE L’ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DU PARLEMENT EUROPÉEN POUR PRÉSENTER LES PRIORITÉS DE LA PRÉSIDENCE ESPAGNOLE DE L’UNION EUROPÉENNE »Strasbourg, le 20 janvier 2010
http://www.eu2010.es/comun/descargas/noticias/fr_Parlamento_Europeo_20_enero_10.pdf
Si ce n’est pas le modèle Betterplace, c’en est fortement inspiré.
Merci d’avoir suscité le débat.
JC J.
« pas de prise, pas de vente », « no plug, no deal »
Le cœur du débat est la standardisation des batteries échangeables.
C’est un problème technologique: il faut de la modularité pour gérer une Fluence et une Zoe de taille très différente.
D’ailleurs, la ZOE est un concept pour 2012, et la Fluence plus proche d’une vraie voiture à faire rouler en Israel et au Danemark.
Je doute qu’elles aient le même batterie, car la batterie de la Fluence semble monobloc, pas modulaire. Donc déjà 2 modèles de batteries dans les stations QuickDrop de Renault/BP!
C’est surtout un problème business: standardiser les batteries, c’est mettre ce marché en dehors des mains des constructeurs automobiles. Grosse perte de valeur ajoutée. Ils n’en veulent pas, mettez vous à leur place. La batterie coutera 10000€ en vente ou en location, avec une marge brute non négligeable.
A preuve: la Nissan Leaf n’utilise pas des batteries compatibles BP
Le concept est séduisant, les inhibiteurs business énormes.
BP est très sympathique, et Shai Agassi un vrai entrepreneur, mais ça ne garantit pas le succès
Bonsoir Monsieur Talbot,
Je suis tout à fait d’accord avec vous, nous vivons une époque passionnante.
Ce ne sera pas toutefois la première fois que l’industrie automobile doit faire face à un problème de standardisation (y compris dans le domaine des batteries), il semble qu’elle ait déjà compris l’enjeu puisque GM lance sa propre RD et sa propre usine de batteries et que Toyota vient d’acheter les droits d’exploiter un gros gisement de lithium en Bolivie.
A mon avis nécessité fera loi et l’impulsion européenne coordonnée qu’évoque JL Zapatero sera bienvenue.
Bien cordialement,
JC J.